L'eau pourquoi aller vers elle

 

(…) à Berck plage, vous savez là-haut, où le vent me donnait mal à la tête, la plage, une immensité de sable sans frontière. Je me souviens de ce matin où mon petit frère Alain courait après un papier de croissant, nous le perdions de vue, il arrivait à Merlimon, la plage voisine.

Bizarrement mes souvenirs se portent plus sur le sable que sur la mer. Cette eau, elle était plutôt froide, même si le contraste avec l'extérieur n'était pas important, et puis elle était pleine de dangers ; le sol est tout plat quand soudainement, plus rien, le vide, un trou... ou alors vous avez entendu parler des sables mouvants, eh oui comme les trous, on peut marcher sur un banc de sable mouvants, et ceux là ils sont féroces. On nous racontait des histoires morbides sur leur compte avec toutes ces personnes qui restaient enlisées dans la baie d'Hautie.

C'est comme la mer, étrangement elle disparaissait et quand elle revenait c'était n'importe quoi, vous étiez bien tranquille sur votre banc de sable à chasser les coquillages, le nez au sol puis, quelle surprise, elle était revenue, là tout autour de vous.

Quelques années plus tard l'été m'a conduite jusqu'à l’Île d'Oléron, à Domino en colonie de vacances. Je devais avoir à peine 15 ans, les autres en avaient 16 et plus. Avant le départ, petit pincement au cœur, je serai la gamine, ça ne me plaît pas trop.

J'ai un très bon souvenir de ces vacances sous les pinèdes. J'ai emporté cette odeur que je retrouve avec grand bonheur dès que le soleil la révèle sur les conifères. L'après-midi après le temps de repos où la monitrice nous lisait le journal d'Anne Frank, nous enfilions un maillot de bain et munies d'une serviette, direction la plage à travers les dunes, c'était chouette, il faisait chaud. Quel plaisir de faire le lézard sur le sable chaud ! Quelques fois la mer nous avait laissé de gros paquets d'algues et sur ces algues, des poux de mer. Ils sautaient partout, je n'aimais pas trop, ils m'agaçaient eux.

Le rituel c'était le bain, avec ce petit maître nageur bien rondelet et tout velu qui roulait les « R ».Pour nous accueillir il avait déposé sur l'eau une sorte de parc flottant, comme pour aider les petits à faire leurs premiers pas, mais là c'était dans l'eau, pas le droit de le dépasser, ça ne me gênait guère. Ah j'oubliais, les bouchons nous en avions également à la taille, pas de risque de toucher le sol, c'était un séjour Archimède au². Alors j'ai appris à nager, je me souviens déjà à ce moment, le déplacement m'essoufflait, ce que j'éprouvais c'était de la difficulté, en y repensant j'aurais même une petite boule dans la gorge, il se passe également des choses dans ma tête, intéressant !

Alors voilà, je partais de là mais aujourd'hui c'est quoi l'eau pour moi ? J'ai compris au fil des années que certes ce n'était pas mon élément quoique je ne désespère pas... Aujourd'hui, je garde ce rituel, mais autrement. J'y mets le bout de l'orteil, je la tâte, je me tâte, j'ai appris que nous devions nous apprivoiser, nous devons créer notre histoire d'amour. C'est étonnant notre cheminement, quand nous nous abordons, je ressens presque toujours ce décalage, en ce qui nous concerne, je veux parler d'un décalage thermique. Impossible de m'en remettre à elle directement, elle doit me convaincre, j'y teste ma patience.         

Je souhaite la retrouver, les changements sont infimes mais tellement profonds. Ce que je viens chercher dans cette eau, je peux le trouver sur le sol. Oui il y a l'eau, ce qu'elle permet ou pas mais il y a la vie, le quotidien. Pour moi tout de suite en écrivant, je crois qu'elle m'apprend la patience, qu'elle m'apprend, et là je bloque, je veux parler de cette transformation, très lente, au fil du temps, de cette métamorphose du corps et du mental... ce sera pour un autre chapitre…                                                                                                        Christiane