L'écriture comme appui

   

L’écriture comme appui dans le cadre de la médiation aquatique « au-delà du principe d’archimède »

 

Résumé : Inviter à écrire l’eau, écrire sa rencontre avec l’eau à partir de l’expérience du corps aquatique, et trouver comment se dire, entendre les échos…

A quelles conditions ? Pour quels enjeux ?

Mots clés : Médiation aquatique - symbolisation - donner formes -  écriture - langages - faire lien - mémoires -

 

Au-delà d’un certain principe de plaisir, je ne développerai pas…

« Au-delà du principe d’Archimède » : au-delà de la loi incontournable de l’eau qui nous contraint à l’horizontale et nous pousse à la passivité… Nous n’en resterons pas là !

Comme vous avez pu le lire dans la présentation de Paul Fernandez, cette médiation propose d’aller à la découverte de cet élément fondamental et de tout ce qu’il recèle de richesses, à condition de s’y prendre bien. L’eau, élément extrême, dont il conviendra de sortir un peu plus vivant, un peu plus sensible, un peu plus humain en sachant mieux faire avec elle, comme il faut bien faire avec tout ce qui se présente, s’est présenté et adviendra…

Médiation à haut risque… Dans le cadre de notre association adpa, le public qui répond à cette proposition vient le plus souvent d’abord, explicitement, pour les défenses levées par l’élément : la peur de l’eau !

 

 « Tout corps plongé dans un liquide reçoit illico des messages ancestraux »

 

Travail au corps de l’eau qui visite l’intime, qui pointe sans ménagement le moindre nœud, la plus petite rupture : on y est ou pas ! L’eau qui mobilise la personne, quelle qu’elle soit, dans tous ses fondements, qui la déstabilise physiquement et psychiquement dans ses modes d’être et de faire. Rien de la personne n’y est épargné.

 

1er temps   adpa, médiation avec ses effets thérapeutiques liés au travail de l’eau, et entre autres effets bénéfiques, la reprise éventuelle d’un dialogue interne plus souple, plus fluide. Bel objectif, quand on sait qu’en réalité, pour tous, il s’agit toujours d’un dialogue complexe, conflictuel, difficile,

 Où le corps tente de l’emporter,

             Où le psychique tente d’affirmer sa maîtrise, son contrôle.

C’est la bagarre jusqu’à épuisement de l’un ou l’autre, ou des deux…

 

2e temps      Un cercle de parole partagée : écouter et dire

Avec souvent des mots incertains, une formulation flottante

Nous ne concevons pas d’abandonner les participants à leur « corps aquatique » sans leur donner l’opportunité de saisir un peu de ce qui se passe là. C’est donc un temps où nous organisons la remontée progressive de l’immersion : on la suit, dans les mots. C’est le travail du corps, un travail de décantation dans les mots si difficiles à trouver, qui arrivent lentement, approximatifs. Des mots d’un corps encore flou, pas vraiment revenu de son voyage. Des images fugaces, des idées fulgurantes, tellement vite évanouies… Des stagiaires ont souhaité apporter sur le bord du bassin de quoi les noter !

Nous offrons nos mots aussi, sur ce qui se traverse là, comme des indices pour se repérer sur les effets de l’eau et saisir que tous ont à faire avec elle, ce qui ne semble pas toujours évident… certains rêvent !

La plupart perçoit dans ces échanges des étayages, et leur retour dans l’eau s’en trouve modifié. Et ce, même s’ils souhaitent l’éviter.

 

3e temps    Une page pour écrire et lire, faire corpus, matière commune à travailler ensemble

Dans ce travail de retour, nous proposons un espace en surface, où viendront se poser les traces du voyage, les mémoires en parcelles, ce qui vient. Où chacun pourra écrire « l’expression sensible d’une vérité » (Hegel), sans souci de faire beau.

Nous pensons également ce temps d’écriture comme une limitation de l’état de jouissance, une borne. Le « corps aquatique » flirte sans cesse avec le Tout, le trop, de plaisir et de souffrance, coloré en rose extatique ou en noir suicidaire, de toute façon mortifère. L’écriture offre une chance de se dégager de ces excès liés à l’eau et à ceux susceptibles de resurgir dans le travail.

 

Dans le  passage à l’écrit, le travail se fait avec l’appui du corps pour rendre plus manifeste une nouvelle façon de se percevoir, de se concevoir, et de le faire entendre …

Certains bredouillent, insatisfaits, ils entendent cependant les hésitations des autres, mais aussi leurs trouvailles de tous ordres, ce qui leur permet de se mettre sur le chemin des mots.

Notre cadre accueille un corps au travail dans sa nudité, son exposition, démuni ou glorifié,  dans sa mutité apparente, dans son langage propre, à bas bruit. Et les trois temps du travail sont à concevoir comme la mise en évidence et la mise en forme de l’unité de la personne, pour ne pas demeurer dans le partiel. Le cadre est posé : il est adaptable et signe la permanence, la contenance. C’est un support qui ne fera pas défaut. On l’intègre ou on s’en défend. Voilà une bonne limite pour un vrai travail !

 

Symboliser : Pourquoi ?

 « au-delà du principe d’archimède » est une médiation clairement régressive, au sens où elle permet de recontacter les fondements de la personne, en particulier à travers les deux pôles premiers du corps : la peau et la bouche.

La peau y est sollicitée au plus haut point, l’eau y mobilise la bulle première et tout ce qui affleure des imaginaires, autour de la vie fœtale et de ses fantasmes.

La bouche, dans son rôle d’interface, de contact avec la surface dans le jeu de la respiration, dedans / dehors, du corps et de l’eau et lieu de nourrissages : nourritures bien concrètes, on grignote beaucoup ! Et nourritures symboliques : on parle.

 

Les trois temps proposés dans cette médiation reprennent ainsi depuis les images corporelles, les mots-images, les mots, toutes métaphores de ces espaces du corps, du plus proche, du corps interne, au plus lointain, pour les amener vers la symbolisation : la parole qui humanise le souffle et lui donne corps, et la page à investir, habiller, enrichir.

Nous faisons invitation à la symbolisation, invitation qualitative où il s’agira  de faire somme de l’expérience. Surtout pas tout !

 

La symbolisation est d’abord une tentative de remettre de l’ordre dans cette cacophonie induite par le travail de l’eau. Tout est là, mais dans l’éparpillement. Par où commencer ?

Nous faisons également cette proposition pour inviter à reprendre contact avec l’extérieur, retrouver du langage commun, exprimer ce qui s’est éprouvé, retrouver son corps habituel, connu un peu mieux, se reconstituer, reconnaitre ses repères anciens et intégrer les nouveaux.

Reprendre sens, dans ses deux valeurs : ce qui se sent et trouver un sens, une direction.

C’est symbolisation vers ce qui est à venir et surtout pas image narcissique fermée. Mais à la manière de l’eau, avec des éléments, des reflets éphémères… L’écriture, comme un passage, le moyen de se frayer une voie entre la source et la surface, contourner ce qui bloque, dissoudre, élargir la voie, disparaître, et faire résurgence… Il sera donc indispensable de faire des propositions qui ouvrent sur des liens possibles.

 

Le temps d’écrire

Ce qu’est écrire :

C’est s’installer sur un espace réduit, clairement délimité, où se rassembler. En contrepoids de l’expansion du corps aquatique, à sa limite fluctuante. On y tente de calmer un peu l’agitation interne, d’apaiser les mouvements du corps, les émotions… C’est se poser sur une page stable, en opposition au mouvement permanent de l’eau. C’est offrir un espace fiable où pourra s’engager un dialogue créatif avec soi, avec soi dans l’eau, avec soi et le monde qui nous constitue.

La page blanche comme lieu bienvenu à investir, à explorer activement, mais qui peut être perçu comme représentation violente du vide, du vertige intérieur. Ces deux  formes valent pour tous…

Page blanche pensée comme lieu où rétablir une juste balance entre dedans et dehors, où combiner les mots des autres avec les siens, pour habiter différemment son corps, localiser ses sensations, se replacer dans l’histoire.

Page blanche volante ou reliée, portfolio pour images saisies, page où on s’applique, respectueusement, qu’on caresse, qu’on recouvre, qu’on tatoue de couleurs, qu’on double de collages, qu’on griffonne, qu’on troue à force de gommer, qu’on scarifie, qu’on investit dans tous les sens, devenue labyrinthe, jeu de piste avec des flèches, recto verso, dessus dessous, où on ne sait plus la suite de ce qu’il faut lire, page qu’on conserve, qu’on retrouve. Rares sont ceux qui laissent dans la salle leur matériel, cette création personnelle : la plupart se déplace avec, bon objet transitionnel.

L’état d’écriture

Etat particulier entre disponibilité, incertitude, engagement et inquiétude. De toute façon, état de perméabilité. On est susceptible de prendre l’eau…

Il y est question d’une certaine forme de rêverie, une entrée dans l’incertain, « C’est pas donné ». C’est la rencontre probable entre des formes qui se lient ou se contredisent.

C’est l’ouverture à un temps singulier où s’engouffrent pêle-mêle enthousiasme, angoisse, fragilité et force, où il sera nécessaire de faire avec ce qui dérange, les mots qui ne viennent pas, ou trop vite, dans un foutu désordre. Il sera bon de trouver un fil, de s’y tenir, ou d’oser le lâcher pour un autre plus pertinent… Brouillons, heureux brouillons, où des pépites sont en gestation !

Elle dit : « L’inspiration est venue trop tard, je n’ai pas eu le temps ! Rien à lire ! »

Ecriture, évidemment, comme une approche à sa façon, à son rythme de ce qui demande à se dire, ce qui fait silence, de ce qui fait nœud, souffrance.

 

L’écriture conçue comme appui

Quels appuis ?

Pour moi d’abord : le texte de la proposition d’écriture est le premier support pour moi qui propose ce passage : il me parle, me semble suffisamment contenant, porteur, congruent, j’y lie son rapport au corps, au travail du « corps aquatique ». Il évoque.

 

Pour les participants ensuite, car, comme l’écrit René CHAR avec sa justesse précieuse :

 « Les mots qui vont venir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. » 

Ecrire, c’est  faire ouverture à quelque chose qu’on ignore, qu’on ne contrôle pas. Il nous est apparu essentiel de réduire au maximum l’aléatoire du jeu avec les mots. L’eau y suffit !

D’où l’importance de proposer en socle un écrit élaboré, partageable, choisi dans la culture commune, comme parole écrite, lisible par tous, universelle, structurée, à disposition. Je cherche ces textes dans la littérature, dans toutes ses formes, de roman, de poésie, de comptines, de chansons… Elle est fond commun, on peut y puiser, ou toile de fond sur laquelle on posera la trace. Elle est préforme à ce qui pourrait advenir dans l’eau et dans l’écrit.

Le texte proposé est lieu où converger, se réunir, que ce soit pour s’y inscrire ou le rejeter, s’en inspirer ou s’en éloigner. Il est là. Pour cela, ce « pré-texte » est pensé comme sécurité et ouverture, dans le double mouvement, comme un espace potentiel, tissé entre nous. Un objet offert à l’autre, présenté au sens de Winnicott, pour qu’il y découvre ou la développe sa propre créativité, qu’il s’éprouve auteur de ce qui est posé là, entre le travail de l’eau et ce qui peut s’en ressentir, s’y construire, à partir de ce qui est touché en lui, concerné. Je fais office de porteur de mots : les participants vont s’en saisir en fonction de ce qui est abordable pour eux. En fonction de ce qui leur parle, ce qui les inspire.

Certes, le texte de proposition est exigence, contrainte. Nous invitons à y être ! Et nous veillons à éviter la dispersion où « s’éclater ». Mais ce texte de départ est donné dans le même temps comme espace à investir, comme mise au travail. Une courte-échelle vers une autre symbolisation.

Je pense cette proposition, j’y suis engagée, je rêve la médiation eau ET l’autre. Car le plus important, c’est ce que nous trouverons ensemble, portés par les mots, les rythmes, les images, les sons. Prosodie et lexique, styles, champs culturels… que l’autre pourra prendre à son compte, interpréter.

J’apporte donc une attention particulière à la qualité du texte, en fonction de ce que nous aimerions inviter à élaborer : sensation, mémoire, passage, dialogue, la place du corps, ses expériences…

La proposition doit être ouverte, offrir la place à l’écrivant, même s’il est dans l’impossibilité de l’investir d’emblée. Il faudra alors l’aménager, réduire au juste suffisant qui ne fera pas angoisse, mais la maintenir, ne pas boucher, ou colmater.

 

Dans ce temps d’écriture, nous traversons un rapport particulier au présent.

Le temps d’écriture où faire silence

« Le silence des temps de suspension, L’ouverture centrée. Faire silence et écouter ce silence, ce qu’il retient pudiquement, ce qu’il contient d’avenir, ce qu’il compose d’inconnu, Être suspendu entre soi et un autre natif, ce qu’il retrouve du chaos, du bruyant pour en retenir l’audible, le présent. Un silence d’après brouillon, bouillonnement et tumulte du corps… » 

 

Ecrire, c’est se sentir présent à ce qui se vit, se traverse, se ressent, s’éprouve corporellement et psychiquement.

            Par où ça passe ?

            Ça sinue, s’insinue jusque dans les rêves…

Où ça bloque ?

Où ça reflue ?

Claire  « Mais peut-être, parfois, l'imperceptible revient.. »

Ecrire, c’est rendre présent

            L’absent

            Le passé

Jean R …Je vis de mes yeux ce petit garçon… (à partir de « L’aleph »de Borges)

Les fantômes

Les histoires anciennes, vécues, racontées, fantasmées, reconstruites…

 «  L’enfance m’a laissé des traces dont je ne sais que faire. »     Gaël FAYE Petit pays

 

C’est aussi s’éprouver présent aux autres 

« Me suis posée dans une main accueillante, un contact plein, ai suivi ses impulsions, joué avec. Oh ! C’est tranquille. C’est simple, je suis tellement bien que je ne sais même pas où j’en suis de ma respiration. »                

Ecrire pour qui ?

Dans l’écriture tout comme dans l’eau, si on plonge, c’est qu’un autre est là, qui vous attend, avec qui on partage, à qui on l’adressera. On n’écrit pas dans le vide ! On écrit dans le transfert, pour les animateurs en position parentale. Mais surtout, tout au long de cette expérience de solitude, on mesure les secours, accessibles ou non, que représentent les accompagnants internes, ceux qui nous constituent. En cela, l’invitation à l’écriture peut donner accès à l’autonomisation à partir de l’histoire, où s’éprouver capable de tenir seul, faire seul avec ces références-là, et de rejouer ainsi ses dépendances.

                                    

Le temps d’écriture n’est pas simple du tout.

 

Les réassurances manifestes

Elles se mettent en scène dans les allers retours, entre la table et l’autour, la machine à café, le café ou le thé, ou une tisane…, les grignotages, les approches, l’inventaire du matériel, le crayon à tailler, le choix du stylo, la couleur, mais aussi l’exploration de la salle, la recherche d’un texte, d’une illustration, d’une image à disposition, autant d’auxiliaires à tous les niveaux, qui parlent et rassérènent… Certains attendent, statiques, posés, à leur place assignée, repaire immuable tout au long du travail. Pas forcément plus tranquilles pour autant…

Comme dans l’eau, on observe les hésitations, les compromis, le jeu entre ce désir de changer - ne plus avoir peur ! - et ce qui retient. Ambivalence toute humaine. Remettre en jeu ou conserver. Que risque-t-on de perdre ? Et de découvrir ?

Ecrire, pour le participant

Il faut oser écrire malgré les encombrements, les impossibilités. Que l’entrée soit facile, que l’écriture se marque par un plaisir évident ou soit plus laborieuse, il en coûte pour tous. Mais le jeu peut valoir la chandelle ! En particulier après l’intensité des sensations traversées dans le travail du « corps aquatique », le temps d’écriture permet pour une part de s’en sécher, de « reprendre ses esprits ». Et revenir, remonter de ce voyage intérieur, en rapporter ce qui se peut, s’épauler sur la proposition d’écriture pour faire avec, activement, en tant que sujet.

 

Le jeu actif de la peur dans le temps d’écrire

S’y présentent les expériences passées qu’on aimerait oublier, ou laisser au vestiaire, sa langue considérée pauvre, pas cultivée, l’écriture hors de portée, mais aussi les jugements. Ce que beaucoup recontactent en premier lieu, qui est toujours très actif malgré le temps, autour de l’école et des sanctions invalidantes. Les complexes. Heureusement, assez rapidement, les participants constatent que nous sommes tous logés à la même enseigne, même ceux qui « ont l’air » de faire facilement ! Tout comme dans l’eau…

 Le jeu actif de la peur peut aussi se marquer dans la défiance des mots, bonne surface de projection… Elle se manifeste clairement et dans tous les temps de la médiation, mais vaut bien sûr encore davantage lorsqu’il est question de les écrire.

Ils sont susceptibles de recouvrir des blessures, d’en trop dévoiler, de tomber à côté, de n’être pas reçus… Et leur interprétation, la traduction erronée qu’on en fait, le quiproquo, le jugement. La parole donnée et confisquée… Autant de marques sur la langue d’expériences intolérables.

Une jeune femme aimerait demeurer dans sa « bulle de silence » découverte dans l’eau. Elle écrit pour elle, elle ne lit plus au groupe et s’organise sur des collages qu’elle découvre en nous les présentant. Où elle s’expose, en dit probablement bien plus, ce qui lui échappe !

Je pense aussi à ces artistes qui mettent en scène cette défiance, dans le projet de lier le corps et son langage, qu’ils l’énoncent clairement comme rupture, ou qu’ils créent le dialogue pour lever une part de l’opacité du corps et de l’infini du langage :

« Je danse parce que je me méfie des mots », danse dialogue avec son père de Kaori Ito pour exprimer ce que les mots ne pourraient traduire. Laurent Mauvignier et Angelin Preljocaj dans leurs collaborations « Ce que j’appelle oubli », « Retour à Berratham ».  Ou bien encore « Les trois sacres » où Sylvain Groud danse sur le texte dit par Bérénice Bejo.

 

Quels étayages apporter à la personne dans ce temps d’écriture ?

 

A la fois, nous devons favoriser l’émergence, mettre en place les conditions de sa venue, et accompagner jusqu’à transformer, dans une indispensable co-contenance, co-portance corporelle et psychique.

Si l’entrée dans l’écriture est inabordable, que cela se manifeste corporellement ou explicitement, si la réponse à cette proposition d’écrire est angoisse, il faut bien sûr faciliter, réduire l’ouverture, limiter le champ.

Ces aides pourront être de lire à nouveau la proposition d’écriture, de proposer d’autres formulations, s’assurer qu’on a été bien compris.

Ce pourra être de rappeler les autres modes de symbolisation :

À partir de ce que la personne a été invitée à apporter, et qu’elle pourrait alors nous présenter.

Lui proposer des formes intermédiaires : dessiner, coller, chercher des textes parmi ceux disponibles sur les tables, des articles, des images, à s’approprier pour essayer de formuler avec les mots des autres;               

Ça pourra être aussi de juste s’approcher et manifester qu’on a bien perçu ce qui arrive. Comme dans l’eau. Un contact.

Frédéric qui n’arrive pas à entrer dans l’écriture, auprès de qui je viens, il me confie :

  • « Elles m’emmerdent ! »
  • Dépose-les sur le papier, tu n’es pas obligé de nous les dire, dégage-toi !

Nicole et la nécessité de physiquement l’assurer, la soutenir dans son effondrement devant la page blanche. Elle ne peut écrire. Elle craint les jugements, ses mémoires d’école. Elle était enseignante !  Alors, avec elle, le long passage accepté par les pastels, la présentation rapide de ses dessins, puis l’aquarelle, jusqu’à un haïku revisité :

« C’est un oiseau d’eau

Qui marche avec le héron

Qui vole avec la cigogne

Qui nage avec le brochet »

Depuis, on entend l’écriture de la même petite fille fragile certes, mais moins apeurée, voire espiègle...

J’entends aussi, rarement, le souhait de ne pas écrire ce jour-là, de se garder ce temps pour soi. Comme une pause qui n’est pas vide, mais présence à soi, précaution bienvenue, présence aux autres aussi, dans le respect. Etre là, mais différemment…

Au refus clairement énoncé, manifesté, il faudra trouver réponse à ce qui empêche, ce qui de la personne se trouve engagé dans cette position, à quoi elle s’oppose, à quelles conditions l’inviter encore et comment…

 

« Le plaisir du texte, c’est ce moment où mon corps va suivre ses propres idées. Car mon corps n’a plus les mêmes idées que moi. »   Roland BARTHES   Le plaisir du texte

 

«  Je n’étais ce jour-là que deux jambes qui marchent »  René CHAR Le bois de l’Epte

 

« C’est beau ! », écrivent des personnes de ce qu’elles voient et entendent des autres, sans réaliser tout à fait qu’elles aussi le produisent !

 

L’écriture comme des mots pris / posés sur le corps : il y faut des supports.

Dans les choix que font les participants de ce qui pourra les soutenir dans cette entrée en écriture, voilà ce que je constate :

La structure offre un excellent soutien. Comme une hampe pour un drapeau, ils s’en saisissent et la répètent. Ils tournent autour. Ce point d’ancrage leur permet des avancées successives, de compléter ou d’ouvrir un peu plus loin. L’acrostiche en particulier emporte régulièrement un franc succès…   Autour d’un mot, c’est l’occasion de broder, le déplier, écrire tout autour et laisser venir les idées, entre condensation et développement. Le choix de la sonorité s’approche du chant, de la prosodie, elle évoque la berceuse, elle amène la comptine, elle fait ritournelle, légère, rassurante elle aussi. Le jeu se fait la plupart du temps sur des rimes, des consonances, sur le plaisir de l’oreille. Plus ouvertes, d’autres formes témoignent d’un espace plus grand de disponibilité. C’est le cas de l’image, rattachée au corps, plus directement, à sa sensorialité :

« L’eau est claire ce matin et douce dans ses nuances bleutées traversées de soleil. L’air est joueur aussi : des myriades de bulles se posent sur ma peau, minuscules bijoux éphémères, enveloppes de rêve. Je m’enroule dedans. Elles se détachent, furtives, regagnent la surface. Je les invite encore… »

L’évocation, l’événement ouvrent sur un récit, qu’il soit vécu ou pure fiction. C’est une mise en scène, une présentation.

Le texte peut s’organiser aussi autour d’un sentiment, de ce qui s’éprouve,

« A pense à rin ! » dans une reprise très affûtée de la « Môme néant » de Jean Tardieu, d’un état, parfois dans un constat tranquille « Je n’ai rien écrit, mais ça flotte et ça fait des liens. »

Il aboutit parfois à une réflexion, ou encore une définition. Et beaucoup d’autres formes, qu’elles soient de contes, de chansons, de fragments, que je vous invite, faute de place, à retrouver sur la page « Ecritures » de notre site audeladuprincipedarchimede.eu 

 

            La suite du temps d’écriture : L’invitation à lire

 « Lire, c’est faire travailler notre corps (…) à l’appel des signes du texte, de tous les langages qui le traversent »           

Roland BARTHES  Le bruissement de la langue

 

Avant de lire, tous manifestent leurs besoins d’appui.

L’appui de la lecture se prend sur le corps !

Certains se calent mieux dans leur siège : « Où est mon fauteuil aquatique ? », ou font place nette avant de se lancer. D’autres vont précéder leur lecture d’un préambule où ils s’excusent de leur médiocre production. L’écoute du groupe est mobilisée, on peut y aller…

Les textes sont dits, joués corporellement. Le corps y est dans son entier : prêt ou non, plutôt tranquille ou au bord de s’effondrer. L’émotion est palpable et la voix inaudible. Le lecteur est submergé !

Le souffle, la voix, sont bases nécessaires pour accéder à ce partage. Il est nécessaire de donner le temps utile à une reprise corporelle, par le soutien de la parole, le regard, par la présence et l’attention les plus justes. Et dans cette courte pause, la personne parvient la plupart du temps à retrouver suffisamment de sérénité pour que le texte soit entendu.

Car, même pour ceux qui en jouent, il s’agit bien pour tous de dire devant l’autre, et d’être ainsi objet d’appréciation, de débat, de jugement. Mise en jeu narcissique : Ça vaut ou ça ne vaut pas, je lis, j’évite par le silence ou une belle pirouette …

« Dans l’eau, on est mieux protégé ! » disent certains…

Le lecteur prend appui pour lire sur son propre texte, ses propres écrits.

Chacun s’organise en fonction de sa faculté à compter sur ses mots inscrits-là. Ils sont un support bien concret, et ce qui peut se dire se pose physiquement sur cette page. Mais l’appui réside tout autant dans la capacité à s’éprouver assez fort pour faire avec l’écoute de l’autre, compter sur son respect.

Il m’arrive d’inviter à relire le texte, ou le confier à un autre qui le lira, si l’auteur est d’accord, afin qu’il l’entende, le perçoive autrement… Nous observons parfois comment le lecteur hésite et sélectionne, garde pour lui ce qui n’est pas, de son avis, encore abouti, ou ce qui ne peut s’énoncer. Il fait réserve de ce qui lui parait indicible, honteux, trop lourd, qui pourrait avoir des répercussions, qui sait !… Ce qu’il estime trop cru. Et à l’opposé, comment, dans une disponibilité évidente, cet autre peut lire sans entrave. Il arrive aussi que le lecteur ne lise pas son texte, mais l’effleure du regard,  pour nous parler ce qu’il aurait pu, ou dû écrire. Il improvise. Reste à comprendre ce qui empêcherait de rester fidèle à ce qui est écrit. Il m’arrive de demander de lire ce qui est là. Souvent, c’est autre chose !

La lecture reçue par le groupe permet de faire siennes d’autres formes, d’intégrer au sens de faire corps. La parole se trouve là doublement médiatisée, triangulée par le texte et par le groupe : elle circule, offre des jalons. Cela favorise une nouvelle fois le choix, la mise à distance et une autre contenance.

Mais ce temps de lecture demeure troublant dans l’exposition qu’elle oblige à travers ce qui est offert, donné au groupe, apporté par chaque personne dans sa présence et sa forme singulières. Cela fait d’emblée inscription, mais entraine simultanément réaction, interaction, défense aussi par rapport au registre de ce qui s’énonce, aux images insaisissables ou qui figent.

Là encore, dans ce temps de transport, de déplacement, nous faisons particulièrement attention à ne pas débusquer et respecter le désir de non partage.

 

Ce qui se présente en réponse aux propositions :

Tous les langages, très corporels depuis les expressions du visage et du corps, les traces, jusqu’au plus organisé. Toutes les formes intermédiaires entre le langage du corps et celui plus élaboré de la pensée, structuré, maîtrisé – parfois trop contrôlé, aseptisé, à distance, certes allégé

du poids du corps mais d’autant privé de toutes les qualités des ébauches, des fragments d’un langage natif et poétique. Et toutes ces « formes entre » font étapes, donnent leur propre sens, et ne prévalent jamais sur aucune autre.

Dans les temps de lecture, nous pouvons entendre ce qui se pose là et déborde ce que la personne voulait dire, croyait énoncer, ce qui se joue en coulisse, à son insu. On entend surtout très fréquemment la reprise de ce qui a été énoncé dans le temps d’échange, les raisons avancées de la peur de l’eau, le traumatisme, mais autrement, transfiguré, transposé. Autres formes qui font place à de l’inédit, ne masquent plus, redonnent mesure.

 

Au fil des lectures, ce qui apparaît des défenses et de leur pertinence :

En rester là, « s’y tenir » : certains, très fragiles, demeurent au plus connu de leur histoire, ce qui est venu ponctuer leur vie et faire trace repérable, l’arrêter pour une part. Les traumas, dans leur cruelle évidence, qu’ils aient ou non à voir avec l’eau, qu’ils soient ou non clairement énoncés. Toute la personne semble arrimée à ces points de fixation non intégrés…

Plus souplement, le détour nécessaire, autorisé, et rassurant – parfois enfermant, à nous de le repérer - pour s’approcher doucement de ce qui est là, perçu ici et maintenant, qui demande à être dit, énoncé, reconnu. Mais retenu encore. Longtemps parole muette qui restait au corps, ne savait pas comment se présenter, sous quelle forme tolérable pour soi et les autres, supposée mieux audible maintenant, digne d’être entendue.

 

Les retours comme appuis aux invitations à écrire et lire

Nous entendons et recevons ce qui est lu, avec comme règle absolue de ne pas faire effraction quand la lecture est irréalisable. Nous entendons l’écriture où se dit, où se pense le corps et ce qui transparaît, ce que nous percevons. La respiration, la tension, l’émotion, ce qui est susceptible de s’exprimer enfin ou à nouveau, comme un retour qualitatif, en symétrie confirmante du « corps aquatique ».

Il faut répondre dans cet espace intermédiaire, celui que je propose et où j’invite la personne, dans un souci permanent de ne pas coller, mais tout au contraire, maintenir ouvert cet intervalle, le créer, le favoriser.

Et pourtant, il s’agira parfois, en seule réponse, de se placer à la limite du corps, de reprendre à sa surface, de partager l’inquiétude au plus proche, de soutenir la personne, de proposer un appui corporel qui réorganise une relative stabilité, qui assure la protection et favorise l’apaisement, l’apaisement premier, celui du tout petit. Il suffira parfois de tendre le petit mouchoir qui éponge le trop plein, avec délicatesse et la distance de l’humour…

Il faut recevoir et répondre de la manière la plus juste, évaluer en soi et trouver la meilleure entrée, la plus adaptée à ce moment-là pour cette personne-là dans ce groupe-là. Faire retour au bon moment, pour qu’apparaisse un lien avec l’expérience du « corps aquatique », une phrase entendue, un texte précédent, une forme, une image… Car il s’agit avant tout de ne pas stopper le processus.

Les retours se doivent donc d’être adaptés, partiels, un peu comme on répond à un enfant qui questionne, en fonction de là où il en est. La personne prendra ce qui lui semble bon pour la suite, le prolongement à ses ébauches, ses brouillons, selon son désir.

Dans cette médiation, du travail corporel à celui de l’écrit, tout ce qui se présente est formes transitoires. Même le texte du dernier jour, n’est pas envisagé comme aboutissement, mais proposé comme bilan provisoire. La limite n’est pas clôture.

Enfin, il n’est nullement question d’interpréter tout ou partie de ce travail. Pour nous, cela implique d’être discret. En particulier sur le décalage apparent que j’évoquais plus haut. Car ce décalage est en fait un indicateur précis des formes de défense de la personne. Cet écart lui est utile, il est à accepter, respecter : ça fait partie du jeu, celui du contrat, du  beau jeu au sens de Winnicott !

Chaque lecture comme des balises

Pour l’écrivant d’abord, Petit Poucet qui pourra revenir sans se perdre, sur lesquelles il pourra prendre appui avant de poursuivre. Pour l’animatrice qui note les crêtes, ce qui se distingue, qui apparaît et se tisse, dont elle fait mémoire.

 « S’éprouver seul, seul à seul, seul à deux avec cette impression forte de vie »

 « Le petit peu » qui annonce le changement, « sur du velours ! »

Pas de hors sujet, évidemment !

Il s’agit simplement de mettre en lumière ce texte ou un élément, entendre ce qu’il porte, son rythme, ce qu’il évoque…

Pour le groupe, la règle vaut tout autant. Il ne s’agira pas de juger mais d’entendre et de laisser résonner. Chacun est susceptible de rebondir sur les mots de celui qui vient de lire. Des réseaux se croisent entre les textes lus. « Je vais prendre la suite ! » ou « Rien à voir avec ce qui vient d’être lu ! » Qu’il s’agisse de la forme ou de ce qui se dit là, à travers les associations d’idées, d’émotion, de souvenir…, dans ces accordages, ces oppositions, ces nuances, apparaît très concrètement le travail à l’œuvre.

Peu importe par ailleurs que les éléments posés dans l’écriture aient ou non réalité, qu’ils correspondent ou non à un événement en relation avec l’eau. L’écriture est une construction corporelle et psychique qui se fonde sur l’histoire, et renvoie à des images de soi souvent endommagées, qui font leur office, et sont utiles à un certain équilibre, même précaire, en porte à faux. Elles évoquent des effractions, des souffrances qui affluent, en réplique aux ressentis corporels éveillés par le corps aquatique. Nous devons penser ces éléments, apporter les étayages de tous ordres qui permettront une envisageable relecture. Dans le cadre de notre médiation, ces appuis-là s’organisent dans la durée, au long cours. Certains, qu’ils nous le confient ou non, aménagent à côté des soutiens complémentaires dans un travail personnel.

 

 J’aimerais vous présenter la traversée d’E. au cours d’une semaine. Vous y verrez un peu comment la démarche s’organise pour elle, prend forme, comment les appuis, les fragilités se répondent, se tissent, s’accordent, seule, avec les autres, tous les autres.

 

J.1.      Après le premier temps de l’eau, elle dit « des flashes, des images »

Elle dit encore combien pour elle « l’eau (est) toujours présente,  bonne compagne »

Et elle lit : « Après le fauteuil dansant, (un travail à deux en portage) ma sensation de vide, la sensation de perte de la densité de l’espace, de mon espace dos (d’eau) »

J.2       Et nous entendons le silence qui s’ensuit, dans le travail de l’eau et dans les mots. Elle écrit peu. À l’observer, ce n’est pas facile, et ne lit pas (nous avons invité aux sensations). Elle écoute attentivement ce qui se partage.

 

J.3       Dans l’eau, nous repérons sa difficulté à lâcher les équilibres connus, ceux de la natation, équilibres ventral/dorsal. Nous constatons en particulier l’absence d’enroulements de sa nuque. Le corps sur son seul axe, très retenu, sans articulation, dans l’adaptation à l’eau d’un poisson… un corps sur deux faces, un peu comme les petits qui explorent le retournement et passent parfois du dos au ventre sans ménagement, recto/verso, sans le petit temps de passage sur le flanc, dans cet équilibre précaire, certes, mais dans cet appui qui ouvre à la sécurité. Manque le corps en 3 D. Les propositions que nous lui faisons ne s’avèrent pas vraiment facilitantes. Elles ne lui parlent pas, ou trop, elle ne trouve qu’en faire… Et dans les échanges, on entend un apparent éloignement : elle réalise « la pédagogie pour les enfants, les erreurs qu’on y fait, faute de prendre le temps. » Elle fait un détour par ce qu’elle connait, à l’extérieur… A partir de là où elle maîtrise ? Elle ne lit pas ce qu’elle écrit.

 

J.4       Travail sur les appuis au fond, les appuis dynamiques, le grand bain. Elle n’en dit rien.

A l’invitation d’écrire à propos des Histoires à deux, brèves ou pas, elle écrit et lit, et nous fait part de « la discorde et des retrouvailles » qu’elle lie au travail avec un partenaire.

 

J.5       Pour commencer la journée, Paul propose les appuis du bassin. Appui des marches, dans le déplacement, sur une bouée placée sous le périnée, sous l’axe flottant. Puis, un temps de passivité à trois. Et nous terminons au grand bain.

En attendant que tous soient revenus à la table, elle s’anime en nous parlant des essais qui ont eu lieu hier soir, qui étaient bruyants, en avons-nous été gênés ? Il s’agissait des entraînements à l’atterrissage sur les porte-avions au large de Lorient. La surface exiguë où se poser. Son monde d’avant… et celui de son mari toujours dans l’armée... Elle nous parle de sa vie, de ses repères extérieurs, de son monde. (Elle rentre chez elle chaque soir…)

Elle dit : A trois, ressentir les tensions, les relâcher, grâce aux appuis »

Elle précise, dans un deuxième temps, « sa vulnérabilité ressentie, privée du regard, comme au réveil dans un autre endroit » Je l’entends désorientée, à minima dépaysée. Je le note.

Lors de la 2e séance d’eau de la journée (la dernière de la semaine) : proposition d’équilibres de côté, les obliques du corps entre le fond et la surface, la suspension, la lenteur, les enroulements, la sensation de se laisser déposer au ralenti. Chacun pour soi au milieu des autres. Toujours très gainée, d’une seule pièce, puis, à partir d’une proposition de déplier son bras comme un éventail,  elle ouvre à partir du haut du corps, du bras au contact de l’eau, des côtes, ouverte, disponible au contact de chaque partie du corps.

Et elle écrit à propos de la perception de son corps « comme des écailles et qui s’ouvre. »

 

J.6       Elle arrive très légèrement en retard et écrit pour répondre à la proposition qui vient clore la semaine.

Elle lit ce qui lui est arrivé : La déviation, non annoncée, ce matin sur la route pour venir. Qui l’oblige au détour et à la découverte d’un autre chemin inconnu, avec d’autres richesses, d’autres paysages, d’autres sensations…

Ce texte est lu, offert et je pense qu’il signe l’entrée dans son travail avec l’eau et les mots. Vivent les chemins vicinaux !

 

Pour terminer, quelques bénéfices du passage par l’écriture

 

Le jeu entre les trois espaces

Outre que chacun des trois temps du travail engendre l’autre et fait appel, et que d’autre part ça fait couple entre archaïque et pensée, ce qui se constate très objectivement, se voit et s’entend clairement :

La place des écritures sur la page, dans le cahier, et le lien fait spontanément et assez rapidement entre les trois temps :

Ce qui se note de la séance, se dépose rapidement, avant que ça s’évapore,  sédiments, mots, images, sensations qui persistent, des bribes d’échanges à propos des séances.

Nos « paroles », et ce qu’elles offrent d’indications pour aller plus loin, qui donnent du poids à sa propre pensée brouillée et labile.

Ce qui pourra se partager.

Ce qui s’écrit par devers soi, et restera privé, intime, dans un processus de préservation, quand on écrit en ménageant un quant à soi, dans cette mesure entre intime et social. Le tout avec des allers retours, des recherches et des ajouts, comparables à tout écrivain au travail.

D’autres avantages 

L’empreinte sur le papier comme une preuve tangible qui témoigne de ce qui est arrivé, se révèle après toutes ces écritures invisibles, pourtant inscrites, mais effacées dans l’eau. Une ébauche de tiers… Elle vaut magistralement pour les enfants.

Le bénéfice du portage autonome, d’un meilleur portage. « Ça  tient, je suis là » et la jubilation comme devant le miroir, de s’éprouver, devant les autres, créatif et vivant, où cette confirmation naît du travail de l’eau et de la parole partagée. Avec en regard, bien sûr, le doute léger d’y être. Car l’eau interroge tous les étages conjointement. Il faut refaire tous les placards !

L’écriture évolue d’un jour à l’autre, d’une année à l’autre, fait mémoire personnelle et collective, corpus. Avec une once d’étrangeté : « C’est moi qui ai écrit ça ? »

L’écriture est après, elle persiste ! Outil précieux pour poursuivre ce travail, prolonger les liens, se poser, penser, se confier, partager.

 

Mais enfin et surtout, l’écriture comme accusé de réception d’une meilleure perception de son corps, de sensations nouvelles, inaugurales, qui ne s’étaient pas encore qualifiées.

Annick  « Dans l’eau, mon corps est une île, une île au rythme lent, hors du temps, sans amarre, avec, pour être juste, un pied intermittent et salvateur. Une île aux contours sans cesse définis par l’eau, eau qui monte, qui descend, inonde parfois, mais décide toujours de la situation.

Mais une île c’est encore une terre. Passer de la terre à l’eau, devenir bouchon de liège, flottant au gré des remous, sans poids, sans lourdeur, sans à-coups, dans une passivité sereine. Le rêve du bouchon, parce que les bouchons ont des rêves, s’enfoncer sans se perdre, rouler,  danser avec l’eau. »

 

Bibliographie

Quelques auteurs à qui j’emprunte régulièrement : Jacques A. BERTRAND, Philippe DELERM, Erri de LUCA, Louis-René DES FORETS, Annie ERNAUX, Victor HUGO, Pascal LAINE, Jean Marie LE CLEZIO, Daniel PENNAC, et bien d’autres, dont Roland BARTHES, Jorge Luis BORGES, René CHAR, Annie LECLERC, Giuseppe PENONE, Sully PRUDHOMME, Arthur RIMBAUD,  Jean Philippe TOUSSAINT …

Quelques articles :

Pratiques Corporelles    Passage par l’acte, invitation à la pensée

                                     Le jeu comme lieu initial de tous les liens

                                    Tout petits, attentions !

                                    Où le corps prend sens

Le Nouvel Educateur (ICEM)  http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/11759

   http://www.icem-freinet.fr/archives/cm/cm-9.pdf

L'Erre n° 19 Écrire, encore (FNAREN) "Ecrire à deux ans ?" 

La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation (INS HEA) « Oser la prévention »

Nouvelles "Correspondances imaginaires" publiées dans :

Destins de Femmes, édit. Les porteurs de rêve

Mémoire de Village, édit. Petit à Petit

Destins de Pays, édit. Rencontres en Pays de Bray

 

Maryvonne ROUILLIER

Enseignante spécialisée de l'Education Nationale (chargée de rééducation)

Co-fondatrice de l’association adpa « au-delà du principe d’archimède »

Animatrice d’un atelier aquatique parent-enfant « Les petits enfants d’Archimède »

Animatrice d'atelier d'écriture